Depuis le 1er janvier 2022, la France préside le Conseil de l’Union Européenne. A l’heure où le drapeau européen sous l’Arc de Triomphe a généré une polémique, la question européenne est plus que jamais brûlante. Mais qu’est-ce que cela signifie pour le pays, ainsi que pour tout l’UE ?
La chaîne TLDR News EU (indépendante et majoritairement financée en ligne par le grand public) s’attarde ici sur un sujet d’actualité : l’impact de la présidence française du Conseil de l’Europe, les plans du Président Emmanuel Macron et ses conséquences potentielles pour la France et pour l’Europe.
Pour commencer, la vidéo explique bien la différence entre la Présidence du Conseil de l’Union Européenne et la Présidence du Conseil Européen. Les titres sont proches mais en réalité très différents. Le Conseil Européen, à présidence fixe, rassemble les 27 chefs de l’État des pays membres de l’UE. Le Conseil de l’Union Européenne change lui de présidence tous les 6 mois : c’est donc de ce Conseil que la France prend désormais la Présidence jusque fin juin 2022.
Cliquez ici pour mieux comprendre la différence entre Conseil de l’UE et Conseil Européen
Le Conseil de l’UE n’est pas un seul groupe mais plutôt plusieurs ‘conseils’ de ministres compétents sur chaque sujet. Par exemple : le Conseil des Affaires étrangères rassemble les ministres des affaires étrangères, le Conseil de l’Education rassemble les ministres de l’Education, etc. Présider le Conseil de l’UE signifie principalement deux choses : 1. Planifier et présider chaque rencontre (les conseils thématiques), 2. Représenter le Conseil de l’UE dans les autres institutions européennes. Cela peut paraître éminemment technique au premier abord, mais cette présidence recèle en vérité un certain pouvoir d’influence sur les ordres du jour de ces réunions.
Parmi les priorités d’Emmanuel Macron pour la présidence française, il y a une volonté de réforme sur deux points clés : la politique économique et la politique des frontières.
En ce qui concerne la politique économique, il s’agit surtout du cadre budgétaire de l’UE. Actuellement, selon le traité de Maastricht de 1992, pour rejoindre la zone euro, un pays doit répondre à 4 critères principaux (et continuer de les respecter sous peine de sanctions). Le plus restrictif de ces critères est le critère fiscal. Il dit que le budget d’un État membre (aussi bien zone euro que non) ne doit pas excéder 3% de son PIB* et la dette publique doit être inférieure à 60% de son PIB.
*Petit rappel : le PIB, c’est quoi ? C’est un indicateur économique qui permet de donner un ordre de grandeur à l’ensemble des richesses produites annuellement par un pays (sa population, ses entreprises, ses institutions). Il est surtout utile pour mesurer l’activité et la croissance économique d’un pays.
Donc en gros : un pays membre de l’euro est censé être endetté au maximum à 60% de sa richesse produite.
En 2020, 13 États membres de l’UE ne remplissaient pas ce dernier critère (dont la France). Sur la base du dernier trimestre 2021, ce sont même 17 pays qui sont hors critères ou en passe de l’être (la crise Covid-19 y a largement contribué). Quant au critère de budget inférieur à 3% du PIB, seuls deux pays membres de l’UE le respectent selon les chiffres 2020. D’où la volonté du Président français de mettre à jour ces règles.
Du côté de la politique frontalière, Macron appelle à une réforme globale de l’Espace Schengen. Si Schengen a de nombreuses conséquences positives, certaines limites ont émergé ces dernières années et ont abouti à sa suspension provisoire (terrorisme, migration, Covid).
L’Espace Schengen, c’est quoi ? Cliquez ici pour y voir plus clair
La France est l’un des États les plus favorables à une extension du pouvoir des États membres sur les contrôles aux frontières. Actuellement, c’est autorisé par l’UE en cas de menace sérieuse aux politiques publiques ou à la sécurité interne, mais uniquement en dernier recours et pour des périodes relativement limitées. En 2017, suite aux attaques terroristes, la France et l’Allemagne avaient demandé à doubler cette période de ‘circonstances exceptionnelles’ pour atteindre 4 ans. La proposition avait à l’époque été rejetée.
Aujourd’hui, la France cherche donc à réformer l’espace Schengen, sur la base du modèle de la zone euro. Elle souhaite notamment :
- une coordination politique entre les différents pays, avec un comité de pilotage politique et des rencontres régulières entre ministres des différents pays,
- la mise en place d’un mécanisme de soutien d’urgence aux frontières en s’appuyant sur Frontex, l’Agence aux frontières de l’UE.
Ce mécanisme faciliterait le déploiement de forces de l’ordre et d’équipement partout dans l’espace Schengen pour dissoudre des situations complexes et qui menaceraient la stabilité européenne (notamment au niveau de la question de la migration).
Enfin, Emmanuel Macron a mis en lumière le besoin d’autonomie stratégique de l’Union Européenne. En question : la dépendance de l’Europe par rapport à l’OTAN (en gros, l’alliance entre Europe et Amérique du Nord – USA et Canada), fragilisée notamment par la présidence de Donald Trump. Selon la vision du Président français, l’Europe devrait être indépendante sur les questions de sa propre sécurité, avec sa propre autonomie stratégique sans les États-Unis.
Mais au-delà de ces politiques potentielles, ce qui rend la présidence française particulièrement intéressante est son timing. Avec les prochaines élections présidentielles françaises qui se profilent en avril prochain, la présidence du Conseil de l’UE n’est donc pas simplement une formalité pour le Président Macron. Les choix qu’il fera pourraient avoir une influence sur l’élection – notamment dans un contexte où il fait figure de plus pro-européen parmi les candidats déclarés à la présidentielle.
Et surtout, si Macron perdait l’élection, cela signifierait que la personne à la tête du Conseil de l’Europe changerait elle aussi jusque fin juin 2022, avec d’éventuelles conséquences.