Une petite leçon de géopolitique actuelle, ça vous dit ? Cette vidéo réalisée par Arte dans le cadre de son émission ‘Le dessous des cartes’ propose un point sur les défis à relever par l’Union Européenne en 2021, avec en prime l’avais et l’éclairage d’un expert.
Jean-Dominique Giuliani, ici interviewé, est Président de la Fondation Robert Schuman, un centre de recherches et d’études sur l’Europe reconnu d’utilité publique. En mai dernier, et pour la 15e année consécutive, la Fondation a publié un rapport sur l’état de l’Union – un ouvrage de référence qui dresse le bilan de l’UE et sert ici de base aux échanges.
Parmi les sujets évoqués, la crise sanitaire Covid est évidemment en tête : l’Europe l’a-t-elle bien gérée ? L’Union Européenne, en passe de devenir le plus grand producteur de vaccin au monde, a joué un rôle de ‘centrale d’achat’ en gérant de façon uniforme l’achat des vaccins. Résultat : moins de désordre et surtout moins d’inégalités entre pays selon leur richesse et leur situation. En revanche, la crise a souligné la lenteur et le manque d’efficacité de l’Union : qui dit plusieurs gouvernements dit plusieurs vitesses et décisions qui ne s’alignent pas forcément entre elles.
Côté économie, le plan de relance de 750 milliards d’euros est similaire à celui lancé par les États-Unis. Dans une Europe scindée, avec d’un côté les pays dits ‘frugaux’ (qui dépensent peu et font attention) et de l’autre les pays latins plus en difficulté (Italie, Espagne, Grèce …), certains avaient refusé d’essuyer la dette des autres. La crise a cependant permis de rappeler que la solidarité européenne est essentielle : si un pays s’effondre, les autres en subiront forcément les conséquences.
Question coopération, justement, les agences européennes sont sur le devant de la scène et gagnent progressivement en efficacité. Frontex, qui gère les questions de flux migratoires, se transforme en agence de garde-côtes et garde-frontières pour une gestion commune des frontières européennes. Europol, service de renseignement européen qui mutualise les ressources pour lutter contre le terrorisme, va conduire de plus en en plus d’enquêtes transfrontalières. En bref : on va vers davantage de travail commun.
Diplomatiquement parlant, c’est là que la question devient la plus complexe. « L’Europe a gagné la paix mais n’a pas conquis la puissance », dit Jean-Dominique Giuliani. Si l’UE a gagné sa place parmi les grandes puissances mondiales, elle n’arrive pas encore à faire décider ensemble ses pays membres. Elle peine aussi à défendre ses intérêts, à promouvoir son modèle et à se projeter comme une puissance au niveau international. Pire encore, selon Giuiliani, elle est tiraillée entre trois énergies : la France, qui souhaite s’émanciper des grandes puissances telles que les États-Unis et la Chine ; l’Allemagne, qui reste en lien étroit avec le pays de l’Est et ne souhaite pas couper son lien avec la Russie de Putin ; et les pays de l’Est, plus rassurés par l’idée d’une protection américaine qu’européenne.
Pas d’avenir, donc, pour une identité diplomatique européenne unique ? Si elle reste laborieuse, celle-ci porte malgré tout ses fruits à plusieurs endroits, comme par exemple actuellement au Sahel où près de 20 pays collaborent sur le terrain. L’élection de Biden facilite par ailleurs la relation euro-américaine, avec davantage de place pour la négociation.
De nombreux défis subsistent cependant : le modèle européen (politique, économique, culturel) peut-il accepter que la démocratie soit remise en question dans certains de ses pays membres ? Pour Giuliani, le problème de la Hongrie et de la Pologne peut se régler avec du temps et de la patience. Du côté des nations ‘en tension’ avec l’Europe telles que la Russie ou la Turquie, il apporte un avis assez tranché. Il voit la première comme une nation en déclin (le PIB russe est actuellement inférieur à celui de l’Italie, par exemple) effrayée par la puissance de l’UE à ses frontières. Pour lui, la seconde fait quant à elle face à des difficultés économiques et une instrumentalisation de la religion contre l’UE.
Pas forcément accessible à tous mais extrêmement intéressante, cette analyse en vidéo a le mérite d’aborder divers sujets d’actualité avec recul et finesse.